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La terre des mythes au savoir

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Présentation

Comment la Terre a-t-elle pu vieillir de plus de quatre milliards d'années en moins de quatre cents ans ? Newton, par exemple, appuyé sur une lecture sérieuse de la Bible, datait la création du monde à 3 998 av. J C ; aujourd'hui nous savons que la Terre est âgée de 4,5 milliards d'années. Comment, contrairement à l'évidence et aux textes sacrés, a-t-on compris que le mouvement des cieux s'expliquait par celui de la Terre ? Quelle a été la démarche initiée par les savants de la période de l'âge d'or arabe et reprise à la Renaissance pour se dégager d'une lecture littérale du Livre saint ? Hubert Krivine, en répondant à ces questions, se propose de montrer ce qui distingue une connaissance scientifique d'une simple croyance. Misère intellectuelle bien souvent nourrie par la misère tout court, le renouveau de divers fondamentalismes religieux rend étonnamment actuels l'argumentation de Galilée et l'apport de Darwin.

Note de lecture Tangente

Du côté de chez Galilée et Darwin

 Qu’est-ce qui distingue une connaissance scientifique d’une simple croyance ? C’est la question à laquelle Hubert Krivine se propose de répondre, dans une argumentation qui s’appuie (l’exemple est bien choisi) sur l’histoire, pleine d’errances et de rebondissements, de la datation de la naissance de notre belle planète Terre (un aperçu en est donné dans l’article en page 34 de ce numéro…).

Pour bien comprendre le cheminement de l’auteur, il faut d’emblée souligner que la question suppose implicitement que le monde des croyances et celui des faits sont comme deux sphères impénétrables : séparés, mais sans influence l’un sur l’autre. La question revient donc à celle de la définition des éléments distinctifs de ces deux mondes-là.
Cette définition va s’établir par la considération des égarements et des impasses dans lesquels notre connaissance du monde (notre « cosmogonie ») fut jetée chaque fois que ces deux sphères, croyance et savoir, se sont pénétrées, ou qu’on aura voulu mettre l’une sous l’influence de l’autre. Le premier cas renvoie explicitement aux étroites relations qu’ont entretenues science et religion, avec comme issue tragique la condamnation au bûcher par l’Église des savants jugés trop zélés (il faut comprendre : ils ont osé renier l’évidence des textes sacrés !). Il renvoie également, assez clairement, à l’actuel renouveau des fondamentalismes. Le second cas dénoncerait les vues postmodernistes selon lesquelles la réalité ne serait rien d’autre qu’un monde construit par nous et, partant, ne saurait se distinguer d’un monde qui serait le pur produit de nos croyances (la dénonciation s’inscrivant là dans le sillage du réalisme et du rationalisme d’un Jacques Bouveresse, par ailleurs préfacier du livre).
Dans tous les cas, faire la genèse de la détermination de l’âge de la Terre paraît un choix judicieux pour servir le propos : quoi de plus curieux en effet qu’une Terre vieillissant de plus de quatre milliards d’années en moins de quatre cents ans ? Pour l’auteur, point de doute : dire que l’âge de la Terre est de 4,55 milliards d’années, c’est affirmer une vérité scientifique, et non privilégier un mythe parmi d’autres. Et c’est par une revue détaillée de l’histoire des controverses relatives à cet âge que l’auteur parvient à une définition convaincante de la science, par-delà religions et mythes. Ce souci du détail n’épargne pas certains développements mathématiques plutôt ardus… C’est d’ailleurs là l’un des points forts de l’entreprise : oser la difficulté, car bien amenée, elle participe du plaidoyer. On regrettera en revanche une mise en page abyssale (fréquent recours aux encadrés, nombreuses notes de bas de page, doublées de notes de fin de chapitre, annexes…), rendant la lecture proprement… vertigineuse.
CASSINI
2011
290 pages
ISBN:9782842251086