Présentation de l'éditeur
L'idée que comprendre permet de prévoir est une idée moderne. Elle est fondée sur la découverte, que le monde physique obéit à des lois (Galilée, et surtout Newton). Elle a mis fin à la pensée magique, et elle est à la base de la révolution scientifique et du monde moderne. Or nous assistons à la dissociation de ces deux choses. D'une part, on réalise par exemple que les lois mathématiques de certains phénomènes, mêmes parfaitement connues, sont si sensibles à la moindre imprécision dans les données que cela rend la prévision impossible en pratique. C'est le fameux "effet papillon" : un battement d'ailes à Rio pourrait être la cause d'une tornade au Texas. D'un autre côté, la puissance des big data rendrait inutile, selon certains essayistes et quelques scientifiques, le raisonnement théorique. On n'aurait plus besoin de comprendre les causalités puisque la corrélation suffirait. Un retour au Moyen Age en somme, aux recettes qui ont marché, mais avec des données des millions de fois plus nombreuses. En termes économiques, on a découvert avec la révolution scientifique qu'une explication théorique coûtait moins cher que certaines observations : Newton avait prévu l'aplatissement de la Terre sans qu'on ait besoin d'aller voir aux pôles ; aujourd'hui grâce à la rapidité des ordinateurs et des réseaux, les termes de la comparaison s'inversent. A ceci, Hubert Krivine répond notamment que les big data et l'intelligence artificielle qui se fonde sur elles sont conservatrices, et que si elles conviennent aux assureurs, elles ne peuvent pas prévoir des choses nouvelles et extraordinaires. Les ordinateurs composent aujourd'hui sur demande du Mozart ou des ballades celtiques, aucun n'invente de musique nouvelle. Ils conduisent des voitures, mais aucun n'explique le mystère de la "matière noire". La machine peut aider l'homme, elle ne le remplacera pas.
Biographie de l'auteur
Hubert Krivine est notamment l'auteur de La Terre, des mythes au savoir (Cassini, 2011), Prix de l'Union rationaliste 2011, Prix d'histoire des sciences de l'Académie des sciences 2012, et d'un Petit traité de hasardo-logie (Cassini, 2016).
Note de lecture Tangente
Les Big Data, au service du meilleur comme du pire
Après son Petit Traité de hasardologie (Cassini, 2016), récompensé d’une mention aux derniers Trophées Tangente (voir Tangente 179), Hubert Krivine nous propose un nouvel essai sur l’émergence de l’intelligence artificielle, ses potentialités et ses limites.
Dans la première partie, « Comprendre sans prévoir », il rappelle les fondements de la pensée déterministe que les lois de la gravitation avaient gravée dans les esprits. Il en rappelle les limites mises en lumière par la théorie du chaos.
Dans la seconde partie, « Prévoir sans comprendre », il explique en quoi l’immense masse de données désormais disponibles et les moyens efficaces de traitement que nous procure l’outil informatique, couplés avec de puissants algorithmes, nous permettent de prendre une décision… sans comprendre réellement ce qui la justifie.
Cet ouvrage, de lecture facile et agréable, sait allier des connaissances scientifiques variées avec une réflexion philosophique. Il conclut en affirmant : « Comme toute nouvelle avancée, l’exploitation des Big Data peut être au service du meilleur comme du pire. » En quelque sorte, à l’humanité de gérer son destin !
Cassini
2018
134 pages
ISBN:9782842252403